Mon sensei est passé à Tokyo. Par « mon sensei », j’entends le professeur que j’avais lorsque j’habitais à Nara et grâce à qui je suis passé de l’état de « nul en judo » à celui de « faible en judo » et accessoirement ai obtenu ma ceinture noire. Il venait pour participer au tournoi des haut-gradés au Kodokan (à ce niveau, il n’y a qu’un seul combat, pour lequel il a fait match nul, ce qui lui donne des points pour passer son 8ème dan) et assister aux championnats du Japon (mais je vous reparlerai de cela bientôt, je pense). Pour moi, c’était un plaisir de le voir, car c’est toujours savoureux de l’entendre parler « Les japonais de nos jours, ils font du football et du base-ball au lieu de faire des arts-martiaux, regarde moi ça, ces jeunes sont des femmelettes ! » et parce qu’il m’a beaucoup appris. Lui aussi, a de l’affection pour moi, d’autant que j’ai su le recontacter en venant ce qui l’a touché, même s’il regrette visiblement que je sois aussi mauvais, sinon il serait fier comme un paon.
Après m’avoir vu combattre au Kodokan et donné quelques conseils, il a décidé de prendre en main mon alimentation, en m’emmenant dans un resto à sushis et en me gavant comme une oie. « Il faut manger du riz, sinon tu resteras faible ! » « Arrête de manger des sucreries, on dirait une fille ! » (cf. Tout n’est pas perdu. Il est d’une mauvaise foi réjouissante, car c’est le seul homme de son age que j’aie jamais vu engloutir des glaces au sirop). Les serveurs se sont intéressés à notre discussion et il leur a donné des précisions « C’est mon élève, il s’entraîne au Kodokan. Resservez lui un sushi à l’oursin, il est trop faible. ». Je lui ai donc demandé si les serveurs étaient judokas, pour s’intéresser ainsi à nous et il m’a répondu « Non ! Un judoka, on le reconnaît immédiatement à son visage, ils n’ont pas des têtes de judoka ». Étonné, je lui ai demandé si j’avais une tête de judoka et il m’a répondu « Non, tu es trop faible, entraîne toi plus ! ».
Me voilà donc rassuré, mais je reste malgré tout assez circonspect sur ce concept de visage de judoka. Je ne pense pas qu’il parlait des fameuses « oreilles de chou », avec les cartilages broyés, qu’arborent tous les vrais champions. Il est vrai qu’il y a certaines personnes au Kodokan dont on sent bien qu’ils sont judokas ou videurs dans une boite de nuit pour rugbymen, mais c’est surtout parce qu’ils ont des pectoraux tellement développés qu’on est obligé de compter leurs yeux pour savoir s’ils sont de face ou de profil. J’imagine également que si les bons judokas ne se nourrissent que de riz comme il me le conseille, ils doivent avoir un visage un peu crispé, mais je ne continuerai pas sur cette piste, pour garder mon étiquette de blog de bon goût. En tout cas, mon niveau de détection de judokas à leur visage n’est pas encore parfaitement développé et je pense continuer à poser la question aux interlocuteurs dont il n’est pas évident qu’ils arrachent un bout du mur quand ils tournent trop court dans un couloir.
30 avril 2009
Je n’ai pas une tête de judoka
4 Comments »
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Très belle note, on dirait un épisode de Naruto.
Commentaire by Ilyas — 30 avril 2009 @ 13 h 49 min
Allez, avoue tu forces le trait, pauvre sensei ! En tout cas si les sushi aux oursin sont aussi savoureux que tes posts je pense que tu n’auras guère de difficultés à en enfourner quelques kilos.
Bon appétit
Saluté
Commentaire by Alex — 30 avril 2009 @ 19 h 59 min
En fait, il faut bien voir que je ne force pas le trait du tout, mais que ce n’est que du cabotinage. C’est ce qui rend le personnage si attachant. Et si Narutesque.
Commentaire by Frédéric — 1 mai 2009 @ 13 h 43 min
[…] mon arrivée dans le Kansai, j’ai retrouvé mon sensei, dont je vous ai déjà parlé. Il est influent dans la région et m’a donc fait un beau cadeau : il m’a obtenu […]
Ping by Je n’ai pas une tête de judoka 2 « 10par15 Leblog — 23 mai 2009 @ 18 h 49 min